On pleure. Chacune de son côté

novembre 7th, 2009

Je ne sais pas quelle sera la journée la plus difficile : l’emmener à l’hôpital lundi ou aujourd’hui. Aujourd’hui ma fille et moi avons pris conscience qu’on sera séparé pendant un bout de temps.  Aujourd’hui la décision de l’hospitalisation est devenue une réalité.

Elle est au lit, ne veut plus en sortir. Elle pleure depuis ce matin. Sans arrêt. Je vais la voir, mais elle ne veut pas de moi.
Je pleure, essaie de me contrôler quand je vais la voir. Mais les larmes sont dans mes yeux et dans mon cœur. Je n’arrive plus à arrêter.
Je ne veux voir personne, parler avec personne. Je veux juste être près d’elle. Je veux juste avoir ces quelques moments ensemble.
On est toutes les deux. Elle au lit, moi dans mon bureau ou dans le jardin.
Mon fils fait du vélo. Mon mari fait de la chasse.
Ils trouvent une façon d’échapper à cette douleur. Ils ne peuvent pas gérer cette situation. Ne peuvent pas comprendre. C’est mieux comme ça.

Je sais qu’on ne peut pas échapper à l’hôpital et je suis soulagé que la décision soit prise. Beaucoup trop tard, mais elle est prise.
Mais la perspective de ne pas la voir pendant plusieurs semaines, l’emmener dans un endroit qui lui semble être une prison … c’est presque inhumain. Mais c’est encore plus inhumain de la garder avec nous et de la laisser dans cette situation.

Elle ne veut pas venir pour récupérer le chien qui est toujours au chenil. Elle ne veut pas aller acheter des joggings, des magazines. Elle veut juste rester dans son lit. Et moi je n’ose pas quitter la maison.

Je vais essayer de la faire manger. Mais j’ai peu d’espoir.

Le couple ne tiendra pas

novembre 7th, 2009

Je suis une femme ignoble. Je suis détestable. Je ne sais pas ce que c’est de travailler.
Si ma fille est dans cette situation aujourd’hui c’est parce que je vais l’amalgame entre ma situation et la sienne.
Que si je n’avait pas été obsédé par mon poids, elle n’aurait pas eu de problème.

Je réponds que sa maman était obsédée par son poids. Qu’elle se faisait peser, mesurer par son amie. Qu’elle avait tellement peur de prendre un gramme.
Il devient livide. Comment je peux attaquer sa mère?
Je lui réponds qu’il attaque ma famille, qu’il m’attaque moi. Que j’ai le droit de dire ce que je pense… et qui en plus est une vérité et pas une critique gratuite.

On hurle. Je lui dis que je vais le quitter avec mes enfants. Qu’il restera avec ses maisons, ses voitures, ses maitresses. Que je ne le supporte plus. Que je ne supporte plus les mensonges, les reproches.

Pendant le repas avec les enfants, il n’a parlé que du travail. Positif, car les affaires vont mieux. Alors qu’à plusieurs reprises je lui ai demandé de ne pas parler du travail à table. Que tous les livres et médecins disent qu’il faut des conversations légères qui concernent les enfants. Il n’a rien compris.

Je vais me coucher. Les enfants ont probablement tout entendu. Je n’en peux plus de les faire subir cela. Et c’est ma faute. Car j’ai craqué. Si je n’avais rien dit, rien ne se serait passé. On aurait passé une soirée tranquille.

Je me couche. Il me réveille. Je l’ignore. Comme il a fait tellement souvent quand moi je voulais lui parler. Quand moi j’avais besoin qu’il me parle, qu’il me réponde.
Ca ne me touche pas. Je n’ai aucun problème à l’ignorer. Il se met sur le lit, je me dis qu’il va me tirer de là, tellement qu’il est fâché.
Mais il part et va se coucher. Car demain il y a chasse… et dans 2 jours sa fille va à l’hôpital…

Dimanche :

Finalement mon mari est revenu de la chasse cette nuit.
Ce matin réveil à 11h30. Il est gentil, ne comprend pas pourquoi je suis froide et distante. Surtout très triste et pas possible de retenir mes larmes.

Je lui dis que ma belle soeur, la marraine de la fille arrive de Bruxelles pour voir notre fille. Je dis également que si elle peut rester jusqu’à demain, je préfère qu’elle emmène notre fille avec lui à l’hôpital. Que pour moi cela va être trop difficile.
Il me répond que c’est bien, mais que ce n’est pas possible lundi après midi car rendez-vous important pour le travail. Je me fâche, il ne comprend pas pourquoi.
Ce n’est pas la peine d’expliquer. Je me bats contre un mir d’incompréhension, un mur qui ne veut pas être percé.
Il est allé à la chasse alors que sa fille va se faire hospitaliser pendant plusieurs semaines. Il m’a demandé si je voulais qu’il reste. Je n’ai pas répondu. C’est à lui de savoir que dans ces moments là on a besoin d’être ensemble. Que j’ai besoin de lui. Que je n’y arrive pas toute seule. Il ne comprend pas.
Même les enfants ne lui demandent pas de rester. Ils ont le même sentiment que moi.
Sans qu’on se le dise. Les non-dits …. dont j’ai parlé pendant la thérapie de famille

Menu détaillé = prise de conscience

novembre 7th, 2009

J’ai récupéré ma fille au lycée hier midi pour aller au rendez-vous à Poissy.
Elle était calme, de bonne humeur. Elle m’a juste demandé une fois si ce rdv était bien un rdv médical comme celui avec le généraliste. Je l’ai rassuré en disant qu’on n’allait pas la garder de suite à l’hôpital.

Le médecin l’a vu seule pendant un certain temps. Ensuite il est venu me chercher en disant qu’il faisait pleurer ma fille… j’ai vite deviné ce qu’il a dû lui dire.
Et il me le répète : hospitalisation lundi ou mardi au plus tard. Pendant minimum 1 mois et prise de poids de minimum 5 kilos. Visites autorisés avec la famille une à deux fois par semaine. Pas plus. Pas de téléphone.
Il est à la fois gentil et ferme. Il me prend à part, car on ne s’entend plus tellement que ma fille hurle dans le cabinet.
Me dis qu’elle va continuer à faire des crises, qu’elle va essayer de tout faire pour éviter d’aller à l’hôpital, qu’elle va pleurer, supplier, négocier…
Mais il faut rester ferme : ce n’est pas négociable.
Et si elle ne veut pas venir, il faut que son père l’emmène de force. Passer par les urgences si nécessaire. Et qu’on devra partir très vite après. Il me dit que la crise va durer une heure et qu’ensuite elle se calmera. Qu’elle saura qu’elle n’a pas de choix.

Comment imposer tout ça à une maman? Comment ne pas craquer devant ses pleurs et ses supplices? Je n’ai pas le choix, mais je sais que ces prochains jours vont être horribles.

On rentre à la maison. Dans la voiture et à la maison, elle continue à pleurer pendant des heures « Je n’irai pas à l’hôpital, je ne veux pas, maman, tu ne peux pas me faire ça. Maman, stp, maman, ne le fais pas. Je veux rester avec vous, je veux rester au chaud. L’hôpital c’est froid, je vais être seule. Je ne peux pas rester toute seule. »

Je ne dis rien, je l’écoute, la prend dans mes bras. Lui explique qu’on n’a pas de choix. Que sa santé est en jeu et que maintenant ce n’est plus nous qui décidons. Ce sont les médecins.
Elle me dit qu’elle va manger ce weekend. Montrer qu’elle en est capable. Et si ça marche, est-ce qu’elle ne devra pas aller à l’hôpital?
Je ne lui promets rien. Lui dit que si elle est capable de tout d’un coup changer son alimentation et manger normalement, on pourrait changer d’avis. Mais que ça ne dépendra pas de moi.
Elle envoi des SMS à sa psychiatre pour la supplier de la laisser aller à Bruxelles. De ne pas l’hospitaliser si elle prouve ce weekend qu’elle peut manger…

Réponse de la psy : ce n’est pas négociable. Elle renvoi des SMS en suppliant d’être d’accord… Réponse : non négociable.

Sur ce, ma fille dit que ce n’est pas la peine de faire des efforts d’alimentation. « Je ne vais pas manger si en toute façon je vais être hospitalisé »….

Cette maladie est tellement perverse…

On va voir sa nutritionniste habituelle. Je lui envoi un sms pour lui demander de faire des menus précis pendant quelques jours, car ma fille me le demande.
C’est la troisième fois que je lui fais cette demande, mais à chaque fois elle revient sur des menus approximatifs qui ne peuvent pas la faire grossir…
Ma fille me demande de rester avec elle cette fois pendant la consultation. D’expliquer la situation.
La nutritionniste n’a rien compris. Ne voit pas pourquoi elle donnera des menus précis. Que l’hôpital est incontournable. Qu’ seule une hospitalisation ne suffira pas !!!!!
C’est la goutte en trop. Mais pourquoi lui dire ça? Mais elle insiste : « Je suis honnête et pas l’habitude de mentir. Avec l’expérience, je vois que dans la plupart des cas, il faut plusieurs séjours à l’hôpital pour s’en sortir »….  Oui, peut être à la Clinique des Pages … Mais ce n’est pas systématique et beaucoup s’en sortent avec un seul séjour.
On ne va donc pas la démoraliser encore un peu plus.

Entre temps j’ai également téléphoné Fabienne, mon amie nutritionniste. Sa collègue m’envoi à titre exceptionnel, les menus par mail pour le weekend. On prend rdv pour lundi… On ne sait jamais. On peut toujours croire à un miracle.
Ma fille voulait des menus précis, heure par heure, pour savoir quoi manger, quand manger.
Maintenant je les lui donne. Et je connais déjà le résultat. Elle se rend compte que l’hôpital est incontournable….

Pour donner une idée du menu de ce soir :
Un petit verre de jus de tomate avec une poignée de cacahuètes.
Des pâtes complètes cuites, avec un jaune d’œuf,
un peu de crème fraîche, du basilic et du Parmesan.
Du poulet grillé avec du basilic, à manger sans la partie grasse.
Une tarte aux pommes avec une boule de glace à la vanille.

C’est tout simplement impossible.

Elle pleure, mais ne supplie plus. Elle a compris qu’il n’y a pas de choix.
Elle est triste, tellement triste.

Rendez-vous hôpital

novembre 5th, 2009

J’ai téléphoné le pédiatre  à l’hôpital de Poissy. Il m’a immédiatement pris au téléphone et demandé des nouvelles de ma fille.
Un accueil direct, sans mots inutiles. Il sent l’urgence et voulait la voir aujourd’hui. Je l’ai proposé à ma fille qui m’a envoyé des SMS en disant qu’elle était épuisée. Mais elle ne veut pas rater son cours de math l’après midi…
Elle propose demain… Je rappelle pour prendre le rendez-vous : il nous reçoit demain en début d’après midi.
Je croise les doigts. ll ne la gardera pas demain, mais j’espère qu’il pourra la convaincre de se faire hospitaliser, sans que cela passe par la force.

Elle m’a téléphoné ce soir en me faisant part de ses notes des contrôles communs… elles sont tellement exceptionnelles qu’on dirait qu’elle veut prendre de l’avance… pour compenser son absence dans les prochaines semaines?

Je ne sais pas ce qu’elle pense. Je ne sais pas comment l’aider. J’ai peur de d’aujourd’hui et de demain. Je suis désespéré. Mais il faut avancer. Il faut qu’elle soit soignée. Moi je ne peux plus rien faire.



La maigreur

novembre 5th, 2009

Je pourrais montrer les plus jolies photos d’elle. Car avec la maigreur vient aussi la photogénie. Ellea les traits marqués, fins, qui ressortent très bien sur les photos.
Elle a le visage très beau, malgré la maigreur de son corps.

Mais je ne veux pas montrer le beau côté de l’anorexie. Je veux montrer le côté réel, le côté qu’on ne voit que sur les images « des autres ».

Des vacances …légères

novembre 5th, 2009

Finalement nous sommes partis au Maroc. Sans notre fils qui a passé une semaine de rêve à Bruxelles.
Une semaine formidable pour nous : détente, soleil, accueil chaleureux, amis précieux… notre fille a été enchantée. Et nous aussi.
Elle était contente de quitter la maison, le froid, l’ennui … et de se retrouver dans un pays où elle rêvait d’aller depuis tellement longtemps.

Nous avions un peu d’espoir que ce changement pourrait déclencher quelque chose dans sa tête. Que le fait d’être ailleurs, avec ses parents et des copains tellement attentionnées, que se voir en maillot de bain pourraient la faire réagir.

On a eu tord et raison à la fois. Moralement, ce voyage lui a fait le plus grand bien. Pas de crises, pas de tristesse, peu de larmes. Physiquement, cela aurait été aussi dramatique que si on était resté ici : 1,5 kilos en moins.

Aujourd’hui elle pèse 45,3 kilos… IMC = 14,4. On s’approche rapidement de la barre où l’hospitalisation sera obligatoire. Avec ou sans son accord.

Je prends rdv avec l’hôpital aujourd’hui. Elle est d’accord de revoir (uniquement en consultation, évidement!) le psychiatre à l’hôpital de Poissy.

Avant notre départ en vacances j’ai rappelé ma copine nutritionniste qui m’avait conseillée de voir Delphine.
Elle m’a dit qu’elle savait que sa psy s’inquiète beaucoup pour l’état de santé de notre fille et qu’elle n’était pas contente qu’elle voie la nutritionniste actuelle…. Je suis tombé de haut. C’est Delphine qui nous a conseillé d’aller voir la clinique des Pages. Et quand j’ai dit qu’on voyait la nutritionniste de cette clinique, elle m’a dit que c’était très bien. A aucun moment, elle m’a fait comprendre qu’il fallait mieux qu’on consulte Fabienne , chose que j’aurais bien évidement préféré.
Hier j’ai vu Delphine rapidement et je lui ai demandé ce qu’elle pensait de sa nutritionniste actuelle. Elle m’a répondu qu’elle n’est pas convaincue que ce soit la meilleure, qu’elle me l’a toujours dit ….!!!
Je pense qu’elle a rêvé car je note tout et je suis en permanence à la recherche d’aide pour savoir qui consulter. Si elle avait émis le moindre petit doute à propos de cette nutritionniste, on aurait changé immédiatement.

Je n’aime pas être pris pour un imbécile! Je ne suis peut être pas la plus intelligente du monde et je fais beaucoup d’erreurs, mais je sais ce qu’on me dit … surtout quand cela concerne la santé de ma fille!

Bref, elle m’a conseillé de prendre rdv avec Fabienne, qui est en vacances pendant les 10 prochains jours.
Elle veut également orienter notre fille vers la villa des Pages ou Montsouris.
Montsouris, la liste d’attente est longue et on ne connait aucun médecin.
Villa des Pages, vous connaissez mon opinion.
Quand j’évoque Poissy, elle me dit que le pédiatre y est également très bien. Mais cela ne vient pas spontanément. Est-ce qu’il faut en déduire qu’elle ne veut pas émettre d’avis? Pour pouvoir nous dire ultérieurement qu’elle nous avait bien conseillé d’autres institutions?

Je vais voir le médecin à Poissy Il m’inspire confiance. Tant pis pour ce que pensent les autres.