J’ai récupéré ma fille au lycée hier midi pour aller au rendez-vous à Poissy.
Elle était calme, de bonne humeur. Elle m’a juste demandé une fois si ce rdv était bien un rdv médical comme celui avec le généraliste. Je l’ai rassuré en disant qu’on n’allait pas la garder de suite à l’hôpital.
Le médecin l’a vu seule pendant un certain temps. Ensuite il est venu me chercher en disant qu’il faisait pleurer ma fille… j’ai vite deviné ce qu’il a dû lui dire.
Et il me le répète : hospitalisation lundi ou mardi au plus tard. Pendant minimum 1 mois et prise de poids de minimum 5 kilos. Visites autorisés avec la famille une à deux fois par semaine. Pas plus. Pas de téléphone.
Il est à la fois gentil et ferme. Il me prend à part, car on ne s’entend plus tellement que ma fille hurle dans le cabinet.
Me dis qu’elle va continuer à faire des crises, qu’elle va essayer de tout faire pour éviter d’aller à l’hôpital, qu’elle va pleurer, supplier, négocier…
Mais il faut rester ferme : ce n’est pas négociable.
Et si elle ne veut pas venir, il faut que son père l’emmène de force. Passer par les urgences si nécessaire. Et qu’on devra partir très vite après. Il me dit que la crise va durer une heure et qu’ensuite elle se calmera. Qu’elle saura qu’elle n’a pas de choix.
Comment imposer tout ça à une maman? Comment ne pas craquer devant ses pleurs et ses supplices? Je n’ai pas le choix, mais je sais que ces prochains jours vont être horribles.
On rentre à la maison. Dans la voiture et à la maison, elle continue à pleurer pendant des heures « Je n’irai pas à l’hôpital, je ne veux pas, maman, tu ne peux pas me faire ça. Maman, stp, maman, ne le fais pas. Je veux rester avec vous, je veux rester au chaud. L’hôpital c’est froid, je vais être seule. Je ne peux pas rester toute seule. »
Je ne dis rien, je l’écoute, la prend dans mes bras. Lui explique qu’on n’a pas de choix. Que sa santé est en jeu et que maintenant ce n’est plus nous qui décidons. Ce sont les médecins.
Elle me dit qu’elle va manger ce weekend. Montrer qu’elle en est capable. Et si ça marche, est-ce qu’elle ne devra pas aller à l’hôpital?
Je ne lui promets rien. Lui dit que si elle est capable de tout d’un coup changer son alimentation et manger normalement, on pourrait changer d’avis. Mais que ça ne dépendra pas de moi.
Elle envoi des SMS à sa psychiatre pour la supplier de la laisser aller à Bruxelles. De ne pas l’hospitaliser si elle prouve ce weekend qu’elle peut manger…
Réponse de la psy : ce n’est pas négociable. Elle renvoi des SMS en suppliant d’être d’accord… Réponse : non négociable.
Sur ce, ma fille dit que ce n’est pas la peine de faire des efforts d’alimentation. « Je ne vais pas manger si en toute façon je vais être hospitalisé »….
Cette maladie est tellement perverse…
On va voir sa nutritionniste habituelle. Je lui envoi un sms pour lui demander de faire des menus précis pendant quelques jours, car ma fille me le demande.
C’est la troisième fois que je lui fais cette demande, mais à chaque fois elle revient sur des menus approximatifs qui ne peuvent pas la faire grossir…
Ma fille me demande de rester avec elle cette fois pendant la consultation. D’expliquer la situation.
La nutritionniste n’a rien compris. Ne voit pas pourquoi elle donnera des menus précis. Que l’hôpital est incontournable. Qu’ seule une hospitalisation ne suffira pas !!!!!
C’est la goutte en trop. Mais pourquoi lui dire ça? Mais elle insiste : « Je suis honnête et pas l’habitude de mentir. Avec l’expérience, je vois que dans la plupart des cas, il faut plusieurs séjours à l’hôpital pour s’en sortir »…. Oui, peut être à la Clinique des Pages … Mais ce n’est pas systématique et beaucoup s’en sortent avec un seul séjour.
On ne va donc pas la démoraliser encore un peu plus.
Entre temps j’ai également téléphoné Fabienne, mon amie nutritionniste. Sa collègue m’envoi à titre exceptionnel, les menus par mail pour le weekend. On prend rdv pour lundi… On ne sait jamais. On peut toujours croire à un miracle.
Ma fille voulait des menus précis, heure par heure, pour savoir quoi manger, quand manger.
Maintenant je les lui donne. Et je connais déjà le résultat. Elle se rend compte que l’hôpital est incontournable….
Pour donner une idée du menu de ce soir :
Un petit verre de jus de tomate avec une poignée de cacahuètes.
Des pâtes complètes cuites, avec un jaune d’œuf,
un peu de crème fraîche, du basilic et du Parmesan.
Du poulet grillé avec du basilic, à manger sans la partie grasse.
Une tarte aux pommes avec une boule de glace à la vanille.
C’est tout simplement impossible.
Elle pleure, mais ne supplie plus. Elle a compris qu’il n’y a pas de choix.
Elle est triste, tellement triste.