Elle va beaucoup mieux, malgré une peur très grande de la sortie.
Proche du poids à atteindre (encore une semaine?), elle ne pense plus avoir de problème pour manger. On met cela en doute, car son discours est très contradictoire.
Elle veut absolument se faire suivre par une nutritionniste avec des menus cadrés, précis pour ne pas faire d’écarts. Le médecin n’aime pas trop ça et je le comprends.
Elle a 3 séances avec la psy par semaine. Depuis qu’elle écrit et qu’elle en parle, ces séances vont beaucoup mieux. Elle est à l’aise avec cette personne car elle dit qu’elle pleure beaucoup. Chose qu’elle n’osait pas faire avec Delphine.
Nous avons parlé beaucoup hier à deux. Je sentais qu’elle voulait dire des choses, même quand son papa était là. Elle s’est mise à pleurer car je lui ai dit qu’on ne ferait probablement pas le goûter de Noel car je ne savais pas où elle allait être ce jour là. Et puis, je n’ai pas trop la tête à ça. J’ai envie de m’entourer d’amis et de gens proches. Je ne veux rien de superficiel.
Elle m’a dit « comment je vais pouvoir guérir et ne plus tenir compte de toi, si toi tu ne le fais pas et ne donnes pas l’exemple »? Et vlammm, j’ai compris de suite qu’il y avait des choses qui sont sortis avec la psy et qu’elle arrive enfin à mettre les mots dessus.
Elle me raconte qu’une des patientes avec qui elle s’entend très bien veut faire passer un message à son papa… en ayant fait une tentative de suicide. Maintenant, elle n’ose plus sourire quand il vient, car si elle donne l’impression d’aller mieux, il est de suite rassuré et lui dit d’être content de ses progrès. Et rien de change. Il faut donc rester malade, rester dans la dépression, pour montrer qu’il faut un changement.
Ma fille a voulu expliquer cette histoire à son père, mais elle n’a pas pu aller jusqu’au bout. Mais elle dit qu’elle ressent exactement la même chose que sa copine.
« On crie au secours ». On a besoin d’aide. On veut faire passer un message mais on n’arrive pas à se faire entendre avec des mots, on le fait donc avec des gestes. Finalement, l’anorexie ou les tentatives de suicide, c’est très proche. Et je comprends la détresse de ma copine … ».
Je sens qu’elle veut faire passer des messages. Qu’elle a besoin de SAVOIR. Je lui demande si elle attend une décision de ma part. On se comprend. De suite. Elle me dit qu’elle en a besoin. Elle veut savoir. Elle n’arrive pas à grandir. Elle me voit malheureuse et cela l’empêche de s’épanouir. Elle ne veut plus de cette vie de famille qui n’en est pas vraiment une.
Je lui dis la vérité. Lui dis qu’on a pris une décision.
Elle pleure. Me dit « merci maman, merci… c’est tout ce que j’avais besoin d’entendre ».
Je n’ai pas besoin de décrire la suite, les échanges. Je sais qu’on va avancer et que ma fille va guérir.
Je pense qu’elle va faire des progrès cette semaine. Et peut être que le weekend prochain, elle pourra rentrer une journée à la maison pour « tester » la sortie.
On s’est quitté avec un grand sourire. Pour la première fois, elle n’a pas eu besoin de me serrer longtemps dans les bras. N’a pas eu besoin de dire que ça allait être difficile. Elle m’a juste dit qu’elle n’allait pas manquer de sujets de discussion avec sa psy
Et qu’elle avait hâte d’aller jouer aux cartes avec les infirmières et les autres patients. Et qu’elle a hâte de rentrer.
Je l’ai sentie apaisée, beaucoup plus sereine.
Entendre ce qu’on n’a pas envie d’entendre
Les médecins nous poussent à réagir, à faire des choses.
A un moment, Delphine m’a dit lors d’un rendez-vous avec ma fille qu’il fallait un cadre à ma fille. Qu’elle a perdu les repérés et qu’il n’y a plus du tout de cadre. Qu’elle vit à l’extérieur de la « maison ». Elle me dit qu’il est important que je prenne une décision. Pour moi. Pour que ma fille puisse retrouver se repères.
Sur le coup, je lui en ai voulue beaucoup. Pour qui se prend-elle de me dire ce genre de choses? Elle ne connait pas mon histoire, ne sais pas ce que je vis. Et pourquoi dire cela devant ma fille?
J’en ai parlé avec ma fille dimanche. Elle m’a dit qu’elle avait été tellement contente que Delphine m’ai dit cela. C’était la première fois que quelqu’un exprimait ce qu’elle ressentait vraiment. C’était vraiment les mots qu’elle voulait qu’on me dise.
Hier, le Dr m’a dit qu’il y a un problème de communication entre ma fille et son père. Qu’à part la « pluie et le beau temps » les échanges n’allaient pas beaucoup plus loin. J’en ai fait part à mon mari. Il a mal réagi au premier coup. Comme moi ci dessus.
Il ne comprend pas. Mais c’est dit, et il est important d’y réflechir.
Le médecin lui a également dit qu’il fallait qu’il parle de notre décision avec notre fille. Ce sera une discussion plus profonde… J’espère.