Quand une amie demande si ça va et qu’on répond « NON », que faut-il attendre de sa part?
Qu’elle s’intéresse? Qu’elle demande pourquoi ça ne va pas? Ou qu’elle passe à autre chose?
Chez les ados, elles passent à autre chose. Ou ce ne sont pas de vraies amies.
Ma fille en souffre à l’école. Ses amies lui manquent. Elle se retrouve toute seule, dans son monde. Distante, ailleurs.
Elle crie pour que ses amies lui parlent, la soutiennent, lui demandent comment elle va.
Mais personne ne réagit.
Est-ce que c’est l’éducation? La pudeur? La peur de ne pas comprendre?
Il est clair que je ne connais pas ce problème. Je suis entourée. J’ai des messages de votre part en permanence. Et quand vous sentez que ça ne va pas, tout le monde est là pour en parler.
Mais pour ma fille ce n’est pas le cas. Elle a l’impression de ne pas avoir d’amies. Certes, cela est lié à sa maladie car évidement les jeunes comprennent mieux qu’une amie a un chagrin d’amour qu’une maladie mentale.
J’ai pris mon téléphone hier soir et j’ai téléphoné à sa meilleure amie. Je n’aime pas me mêler de leur amitié, mais j’avais besoin de lui dire comment va sa copine.
Elle m’a dit que la semaine dernière tout allait bien, que ma fille était comme avant, souriante, partageant les conversations. Mais que depuis vendredi dernier elle a sentie un changement. Elle pensait (comme beaucoup) qu’après l’hospitalisation elle était guérie…. Et que là, elle a peur de lui parler, peur de ne pas savoir quoi faire.
Je lui ai demandé de ne pas la laisser tomber. De lui parler. De lui montrer qu’elles sont là et qu’elles s’intéressent à elle. Je lui ai expliqué la maladie de ma fille, lui ai dit comment elle se sent.
L’amie a été adorable, et a mieux compris… j’espère.
Après, c’est une autre amie qui m’a téléphoné. Pour me dire qu’elle voulait organiser une soirée spéciale à Paris pour ma fille la semaine prochaine. C’est gentil, mais ce n’est pas ce qu’elle attend. Elle veut simplement parler. Simplement échanger. Simplement se sentir aimé.
Je pense que le message est passé.
Aujourd’hui ma fille n’a pas pu aller au lycée. Elle n’avait pas la force (morale).
Elle m’a demandé d’aller au bureau et de la laisser seule. M’a dit qu’elle avait besoin de se retrouver seule pour faire le point, comme à l’hôpital.
On a parlé de sa maladie. Elle a compris que ce n’est pas l’anorexie qui est la maladie. L’anorexie n’est que le symptôme mais pas l’origine.
Elle me dit que même si elle mange, cela ne change rien. Qu’elle est toujours aussi mal. Donc, il vaut mieux manger pour ne pas aller encore plus mal et se faire au moins ce petit plaisir.
En avouant cela, on a probablement fait un grand pas.
J’ai téléphoné au docteur à l’hôpital ce matin. Il estime qu’il faut garder le rendez-vous que nous avons avec lui jeudi prochain, mais que si cela ne va pas, elle peut l’appeler ce weekend. J’aime ce médecin. J’ai confiance en lui. Et il me donne un certain soutien, bien que cela ne suffise jamais à mes yeux.
Je lui ai dit que j’ai annulé le rendez-vous de la semaine prochaine avec Delphine. Je suis trop déçue par son manque d’intérêt. Il est d’accord avec moi….
D’ailleurs, j’ai eu la secrétaire de Delphine à qui j’ai exprimé mon mécontentement et je lui ai demandé de lui transmettre cela avec mes mots (très « tendres »)!!
Pour le suivi psychologique, on continue à être dans le vague. Elle a un deuxième rendez-vous mercredi prochain avec une nouvelle psy, mais elle n’accroche pas avec elle. On verra donc la semaine prochaine si on continue ou si on change de nouveau.
Bref, il ne faut pas trop écouter tous les beaux discours qu’il y a sur l’aide apporté aux ados malades. On est seul. Les structures spécialisées sont débordées; les médecins n’ont pas le temps; Il faut en permanence courir derrière.
Et puis les parents? Ils sont laissés seuls avec leur désespoir.