2 heures du matin. La pire soirée de ma vie. Je pensais que mon cœur avait été brisé en 2001 mais aujourd’hui cette notion de cœur brisée a pris tout son sens.
J’ai écrit tout à l’heure en rentrant. Je savais que les choses n’allaient pas. J’ai eu un pressentiment en téléphonant à la clinique aujourd’hui pour me renseigner sur l’hospitalisation….
Ce soir elle était dans sa chambre. On a préparé le diner, je lui ai demandé de descendre. Elle a refusé. Elle n’a pas voulue me regarder, ni me parler, ni voir son père ou son frère.
Elle a claqué la porte de sa chambre. Je l’ai ouverte en lui disant qu’il était hors de question de claquer les portes. Elle m’a envoyé sur les roses.
J’ai insisté car je peux comprendre sa détresse et son malheur mais je ne supporte pas qu’on soit agressive.
L’ai je provoqué? Aurais-je du me taire? Accepter son isolement?
Elle a commencé à hurler, à me crier dessus. A descendre les escaliers pour quitter la maison. Son père l’a retenu dans les escaliers. Elle était parterre. Lu sur elle pour essayer de la maîtriser. Il m’a dit d’appeler le SAMU. J’ai fait signe de la laisser, pensant qu’elle allait se calmer. Mais elle est partie en haut du jardin.
Je l’ai rattrapé car il y a un portail pour sortir dans les bois et j’ai eu trop peur qu’elle aille dans ces bois…en chaussettes et pleine d’idées noires.
Elle a réussi à forcer le portail (c’est incroyable comme elle peut avoir de la force!!), et est sortie dans les bois. Pendant plus d’une heure je l’ai suivie. J’ai tout entendu. J’ai tout sentie. Elle m’a mordue partout, elle m’a giflé, elle m’a tapé dans mon genou. Elle voulait que je parte, que je la laisse….
Mais j’avais trop peur de la laisser dans le noir, dans les bois. Trop peur qu’elle ne revienne pas. Aurais-je du avoir confiance? Aurais-je du partir et me dire qu’elle finira par revenir? Je ne le sais pas. Mais je ne pouvais pas la laisser seule, même si elle me hurlait dessus, même si elle me faisait mal, même si elle m’appelait « madame » au lieu de « maman ».
« Tu n’est pas ma mère », tu es une ordure, tu es la pire des mères qu’on puisse s’imaginer. LAISSE MOI, VA T’EN. C’est à cause de TOI que j’en suis là. Je vais fuguer, je vais me SUICIDER. Même si tu m’obliges à être dans ma chambre, je sauterai par la fenêtre, et tu l’aura sur ta conscience ». NE ME TOUCHE PAS, Ne te rapproche pas de moi. » Elle me mort la main, les doigts. Me dit qu’ils sentent la cigarette… que je l’ai encore trahie. (Elle sait que je fume de temps en temps, mais jamais devant les enfants… ils ne le supportent pas).
Je la traîne jusque dans le jardin. Je ne sais pas comment. J’ai du la faire mal. A un moment je l’ai giflé, tellement qu’elle hurlait et qu’elle me tapait, me griffait. Elle hurle en disant que si je l’avais laissé tranquillement dans sa chambre, ceci ne serait pas arrivé.
Quand elle s’est retrouvée dans le jardin, je n’ai pas osé la laisser seule. J’étais seule avec elle. Mon mari ne m’entendait pas crier à l’aide. Elle se sentait dans un trou et ne voulait plus bouger. Et moi je n’osais pas la laisser seule car personne n’était là pour la surveiller.
J’ai trahi sa confiance. Car je lui ai dis qu’une fois dans le jardin je la laisserai. Mais j’espérai que mon mari soit là pour prendre le relais. Et je suis resté là, terrorisée par la crainte qu’elle reparte dans la forêt.
Et puis également la crainte des mensonges. J’ai tellement lu que les anorexiques et personnes suicidaires mentent, que j’ai n’ai pas osé lui faire confiance.
Elle se tire les cheveux, se les arrache. Me dit qu’elle n’a plus de cheveux. Que c’est à cause de moi qu’elle n’en aura plus du tout (l’expression « s’arracher les cheveux » est assez explicite!).
Finalement son papa m’entend et monte dans le jardin. Il prend le relais et je peux enfin partir. Il me demande d’appeler le SAMU, ce que je fais. En même temps je rappelle la clinique des Pages qui me disent qu’il faut l’emmener aux urgences et qu’ensuite elle peut venir à la clinique demain matin.
Il arrive avec l’aide de notre fils à l’emmener sur la terrasse devant la maison. Elle s’allonge sur une chaise longue et se détend. Elle a froid. Et est fatigué… après plus d’une heure de « bataille » elle doit être épuisée.
Notre fils est déboussolé. Il aide, ne sait pas quoi faire, mais fait tout ce qu’il peut. Il me prend dans ses bras, me console. Je le console. On se comprend. J’essaie de garder mon sang froid mais je ne peux plus. Il voit mes larmes, je tente de le rassurer, mais je sais que c’est un moment qu’il gardera toute sa vie en mémoire.
Ensuite, le Samu arrive, et décident de l’emmener à l’hôpital. Pas question de la laisser dans cet état. Elle ne veut pas, ne comprend pas. Mais ils ne la laissent pas le choix. Ce n’est pas moi, pas mon mari qui avons décidé. Mais indirectement c’est bien nous qui avons téléphoné aux urgences….
Je vais à l’hôpital avec elle. Dans la voiture, je laisse couler mes larmes. Je suis désespéré. J’ai ma maman en ligne. C’est tellement difficile d’être fortes. Mais on sait toutes les deux que c’est la seule solution.
A l’hôpital, deux heures d’attente. Un infirmier. Une infirmière. Un médecin. Une prise de sang, un électrocardiogramme, prise de tension… tout y passe. Et tout est bon.
Elle reste muette, renfermée. Ne comprend pas ce qu’elle fait là. M’en veut. Elle ne supporte pas que je lui adresse la parole et est agressive avec toute l’équipe médicale. Ma fille, toujours tellement timide, tellement réservé, tellement polie… cette fille envoi balader tout le monde!
Elle me siffle de ne surtout pas l’approcher, et de ne surtout pas la toucher.
Je reste à ses côtés. Je ne l’a quitte pas un instant. Tant pis si elle m’en veut. Tant pis si elle me déteste.
Je vois ma fille partir. Je vois qu’elle devient folle. Je vois qu’elle ne se contrôle plus, que quelque chose d’autre a pris possession de son esprit, de son, corps.
J’ai peur de perdre ma fille. J’ai peur qu’elle devienne folle. J’ai tellement PEUR.
Le psychiatre arrive au bout de 3 heures… une catastrophe. Il s’y prend mal. Parle d’abord seule avec ma fille et ensuite il me prend à part. Il commence à m’analyser, analyser mon couple, ma famille… Me dit que ma fille veut rentrer pour faire ses devoirs (!!!). Je lui dis que je suis très touché par son analyse, mais que je vois déjà des psychiatres, des psychologues et que à 1h30 du matin je n’ai pas trop envie de parler de ma vie. Que là, il s’agit de ma fille et de savoir si je peux la ramener à la maison ou s’il vaut mieux la garder.
Ensuite il revoit ma fille. Il lui dit qu’il ne sait pas encore s’il va la garder à l’hôpital ou pas. Elle l’envoi sur les roses. Lui répond qu’il est hors de question de rester là. Que toute la semaine elle est déjà à l’école, et que ce n’est pas le weekend qu’elle va passer la nuit à l’hôpital. Pour ceux qui connaissent ma fille, cela doit certainement surprendre!
Il nous laisse seul pendant 10 minutes en pensant que cela allait déclencher chez ma fille une envie de revenir « à elle ». Peine perdue. Elle ne me parle pas, ne veut rien savoir, et elle veut rentrer (ce que je peux comprendre compte tenu de la teneur émotionnelle et physique de la soirée).
Le psy revient en lui parlant de ses idées suicidaires. Il a prononcé le mot « suicide » à peu près 20 fois en 2 minutes. J’aurais pu l’étrangler…. Pourquoi insister autant? Pourquoi lui donner encore plus d’idées? J’ai du lire à un moment qu’il ne fallait surtout ne pas prononcer ce mot avec les anorexiques. Peut être que c’est pour cette raison que cela m’a choqué.
Evidement que j’ai peur du suicide. C’est dans la famille de son papa. J’ai également peur qu’elle se taillade avec un couteau. J’ai peur qu’elle se fasse à elle-même ce qu’elle m’a fait ce soir avec sa bouche, ses mains et ses pieds.
Finalement, le psy décide que la garder contre son gré serait encore pire que de la laisser rentrer. Il nous laisse partir. A deux heures du matin.
A tous ceux qui ont été là ce soir et au moment où vous lisez ce texte, avec le cœur et l’envoi des SMS, je vous remercie. Je sais que vous êtes là et ça donne du courage.
La prochaine fois, entrainez la de force sous la douche froide….. Quitte à y aller tous les quatre… il n’y a que ça pour calmer les crises d’hystérie…..
De toute façon, ne cherche pas : dans sa tête, elle ne sait pas pourquoi, tu es responsable de tout, tu l’as mise au monde, tu es la mère nourricière….. Après arrive, et j’aurai du t’en parler avant, le don de culpabilisation qu’ils ont, je peux pas dire que les anorexiques sont menteuses, elles veulent cacher, elles veulent montrer en même temps…. regarder ce que je pense que vous avez fait de moi……. et une fois à l’hôpital, ça va être, pourquoi tu me laisse là, pourquoi tu m’as mise là, tu veux te débarrasser de moi……non, ma fille, je ne peux pas t’aider, ma fille je ne suis pas capable là, à cet instant de t’aider……. alors j’ai besoin de l’aide de ceux qui savent mieux que moi !!
Publié par Maman contre l’anorexie le dimanche 20/09/2009 – 6:28
De nouveau sereine
3h30 du matin. Je me couche et je vais voir si ma fille dort.
Il y a de la lumière dans sa chambre.
Elle est sur son lit et fait ses devoirs!!!!
Elle ne me regarde pas. Pas un mouvement des épaules comme quoi je dois quitter sa chambre. Un geste avec la main… Ce n’est pas la peine d’insister. Je lui dis bonne nuit (cela doit être une des rares fois que je ne lui fait pas de bisou au coucher) et je vais me coucher.
Dormir? C’est compliqué. Je m’angoisse, écoute chaque bruit au dessus de ma chambre. Toutes les idées noires me passent dans la tête.
Je me lève, vérifie s’il y a encore de la lumière dans sa chambre. Tout est éteint. Je vais pouvoir dormir.
Tout d’un coup j’entends des pas dans l’escalier. C’est ma puce qui descend, qui vient se blottir contre moi dans mon lit. Elle pleure, elle me dit « pardon, maman. Je ne sais pas ce qui m’a pris, pardon maman … ».
Les larmes coulent … je ne veux pas de pardon. Je suis juste heureuse de tenir ma fille dans les bras. De la retrouver.
On parle, on rigole…
Je lui demande ce que j’aurais pu faire pour éviter cette crise. Elle me répond qu’en toute façon, cela faisait 3 jours que sa maladie était plus forte qu’elle et qu’elle n’avait aucun pouvoir dessus. Elle dit que c’est elle qui est comme ça, que ce n’est pas une autre. Je pense que c’est un pas important qu’elle puisse admettre que cette maladie fait partie d’elle.
Elle ne serait pas partie dans les bois si je l’avais laissé dans le jardin.
Mais comment peut-on savoir cela?
Je la remets au lit. Cette fois avec un gros câlin.
Je voulais écrire ces quelques mots pour ceux qui attendent des nouvelles au réveil.
Je vous rassure, elle est calme et tranquille. Une nuit d’horreur qui se termine bien.
Elle dort et je vais faire pareil. Presque sereinement….
Pensées personnelles (non partagées…)
Rapide analyse de hier soir. Forcement on cherche les raisons. On cherche pourquoi elle m’en a voulu tellement. Pourquoi elle m’a battue en me repoussant?
Le fait de ne pas me voir partir, de me voir rester auprès d’elle la rendait encore plus folle….
Est-il possible qu’elle essaie de me faire faire ce que j’aurais du faire par rapport à son père? Est-il possible qu’elle me veuille d’avoir tout accepté, d’être resté, de ne pas avoir réagi? De m’être laissé marcher dessus. De voir qu’il me manquait de respect. Et que j’acceptais. Tandis que mes enfants le voyaient et ne le comprenaient pas.
Elle porte depuis des années le poids de nos problèmes.
M’a déjà dit dans le passé qu’elle fait ce que j’aurais du faire. Qu’elle parle à son père, comme moi j’aurai du lui parler.
Ma fille a dit à sa copine que depuis qu’elle est malade ses parents s’entendent mieux et se disputent moins.
J’ai répété ceci à mon mari ce matin. Il me répond « elle a une drôle de façon de penser »….
Et puis, il est parti au bureau, fatigué car mal dormi.
Il y a une tension dans l’air. Il m’en veut de ne pas aller à Cannes le weekend prochain. Mais je n’ose pas la laisser pour l’instant. Je veux d’abord savoir comment on va faire.
Evidement que je sentais une tension. Evidement, c’est chaque fois pareil. Il vit une vie ailleurs …
Hier soir il est rentré. Je lui ai dit que j’étais fatigué des rendez-vous. Qu’émotionnellement c’est très difficile. Il a commencé à me faire tout une histoire à propos du travail, de la crise. Qu’il ne peut pas se permettre de perdre l’affaire… J’étais consternée. Je lui ai répondu qu’on parlait de sa fille qui est entrain de mourir, pas du travail.
Il est vexé, fâché, me demande des excuses. Il ne veut pas parler. Il hurle.
Je lui dis qu’il y a des choses de cachés. Qu’il faut les dire.
Mon mari a manqué d’amour paternel. Lui avait son boulot, les copains. Mais pas de père.
Les parents de son père étaient des gens très bien, très simple, mais très équilibrées.
Les parents de sa mère étaient originaux. Sa maman vivait entre son père et sa mère. Son père était joueur, avait un jour beaucoup d’argent, le jour après plus rien.
Est-ce que c’est la raison pour laquelle mon mari a toujours cette peur de manquer? Peur de tout perdre?
On m’a dit que je restais avec lui parce que je veux réparer son mal être. Je veux être là pour le soutenir et je sais que je ne peux pas le quitter.