Ma fille

novembre 23rd, 2009

Photos du 22 novembre : malgré son chagrin, elle toujours aussi belle, beaucoup plus sereine… et toujours prête à faire le pitre.
Elle reste lucide et parfois elle se dit qu’elle est dans un asile psychiatrique … ce qui serait le cas si elle avait plus de 18 ans!

Gros coup de blues

novembre 23rd, 2009

Je ne sais pas pourquoi je me sentais mal samedi. J’étais fatiguée, démoralisée, me suis occupée dans le jardin pour me changer les idées.
Dimanche matin j’attendais avec impatience de pouvoir aller à l’hôpital. Et a 1 heure précise je suis sortie de l’ascenseur, j’ai vu ma fille qui m’attendais et qui s’est jeté dans mes bras. Le temps était trop long. Elle avait besoin d’un ENORME câlin.
La journée de samedi et dimanche matin ont été trop difficiles. Elle avait besoin de nous voir, avait envie d’être proche de nous. Est-ce que j’ai pu ressentir ça?

La cause de ce coup de blues n’est pas la prise de poids. Elle en prend lentement mais surement. C’est surtout le changement dans les patients au niveau de son service. Le service pédiatrie est complet, donc certains enfants ont été transférés dans le service des ados. Avec des pleurs toute la nuit, des mamans qui mangent les croissants qui étaient destinés aux ados, avec des infirmières surmenés et qui ont moins de temps, moins de patience.
Et puis surtout, d’autres ados qui ont rejoint le service. Essentiellement des jeunes qui ont fait des tentatives de suicide, dont une qui a eu une grande dispute avec sa maman dans la chambre de ma fille. Une maman qui a giflé sa fille, qui lui a dit des horreurs. Des choses que ma fille ne pouvait même pas s’imaginer. La maman a été rapidement évacuée du service? Mais dimanche matin, la jeune fille a fugué de l’hôpital…. Notre fille était bouleversée. A demandé à plusieurs reprises si on l’avait retrouvé. Ce qui a été le cas dimanche soir, mais on ne sait pas dans quel état et ont ne sait pas où elle est.

Ma fille a pleuré beaucoup. Elle sait maintenant qu’elle ne veut pas rester à l’hôpital. Qu’elle veut en sortir rapidement. Mais que son problème psychologique n’est pas réglé. Et que tant que cela ne sera pas fait, elle ne sera pas capable de sortir.

Elle a écrit dans notre cahier pour la première fois depuis le mois de septembre. Elle a vidé tout ce qu’elle avait sur le cœur. Ça lui a fait du bien, mais en même temps elle me dit qu’elle a écrite des choses dont elle n’ose pas parler. Ni avec moi, ni avec les médecins. Elle me demande si elle peut le faire lire à la psychologue, ou si elle peut en parler. Je la rassure et lui dit qu’il est important de dire les choses, d’en parler avec l’équipe médicale. Que c’est seulement comme ça qu’elle pourra s’en sortir.

Je lui ai lu une lettre que j’ai écrite en 2002 lorsque son père et moi l’avions emmené voir un psy car elle avait énormément d’angoisses. En écoutant mes mots elle se rend compte que rien à changé… à part le fait qu’elle n’a plus peur de son père.
Et moi, je vois que rien n’a changé. Qu’il est temps de réagir.

Elle a reçu des lettres, des cadeaux, des dvd et en est ravie. Son médecin trouve que sa chambre devient trop encombrée… trop « cosy ». Avec des photos au mur, un panneau fait par ses amies, ses coussins, ses doudous… la chambre est agréable et elle s’y sent bien.
Mais elle est heureuse qu’on pense à elle. Heureuse de savoir qu’elle est « quelqu’un ». Ce sentiment d’être plus rien la quitte petit à petit.

Elle demande si elle pourra voir ses amies bientôt. Me dit qu’il faut insister auprès du médecin. Même pour 1 heure.
Elle demande également de voir une nutritionniste pour l’aider.

Il y a du progrès malgré tout. Et peut être que ce coup de blues est bénéfique car cela lui permet de voir qu’elle veut sortir de là et que finalement ce n’est pas un cocon aussi agréable qu’elle le pensait.

 

Profitez de l’absence de votre fille pour régler vos problèmes …

novembre 19th, 2009

Voilà ce qui sort de notre entretien avec le psychiatre et la psychologue de notre fille.
Nous avons eu une longue conversation….  Et je pense que ce que j’ai dit, n’a vraiment pas plu à mon mari. Mais cela dure depuis trop longtemps. Il faut avancer maintenant. Pour nous, pour nos enfants.

L’équipe médicale est très optimiste quant à notre fille. Elle fait de grands progrès au niveau de son poids, est très gentille avec toute l’équipe médicale, est positive, s’intéresse aux autres, aux activités… Elle se sent bien dans cet environnement.
D’ailleurs, le monde extérieur et le futur lui font toujours aussi peur.
Mais les médecins la rassurant, on la rassure. D’abord, elle ne quittera l’hôpital que si elle en est psychologiquement et physiquement préparée. Ensuite, je la rassure qu’elle ne reprendra pas ses cours avant janvier.
C’est des phrases qu’elle a besoin d’entendre à plusieurs reprises lors de nos visites. Ce qui indique que malgré son apparence, elle est encore bien malade.
D’ailleurs, elle aurait la possibilité de téléphoner aux amis quand nous sommes avec elle. D’autres patients (ceux qui ont fait des tentatives de suicide….) lui proposent de prêter leur téléphone pour aller sur facebook. Mais elle refuse. Elle me dit que si les médecins interdisent toute communication avec l’extérieur, c’est que cela doit être mieux pour elle… Et je sens qu’elle ne veut pas communiquer avec les autres, ni les voir. Elle a vraiment besoin de rester seule et ne veut voir que son papa et sa maman.

Hier, elle m’a longuement parlé des autres patients du service. Il y a un « turnover » très varié…. :    toujours les 3 filles anorexiques, dont une sous sonde (le père est alcoolique dépressif) et une autre qui a un grave problème mental (attouchements et violence par le père, entre autres).
Ensuite, 2 patientes hospitalisés pour cause de tentative de suicide : l’une a été violé par le meilleur copain de son petit ami (17 ans), l’autre a été séquestré par son père pendant toute sa jeunesse avec violences et interdiction d’avoir des contacts avec le monde extérieur. La fille a 15 ans, en paraît 10 et ne sait ni lire, ni écrire.
Et puis, il y en a deux (garçons!) pour des raisons purement médicales (diabète et problème d’immunité).

Ce n’est pas un récit très réjouissant, mais ma fille me dit que jamais elle n’aurait connu des personnes pareilles si elle n’avait pas été hospitalisée. Qu’elle entend des horreurs et que cela lui permet d’être plus à l’écoute des autres, de moins juger, de se rendre compte qu’il y a nettement pire qu’elle….

Est-ce que j’avais déjà dit que son poids de sortie est fixé à 48 kilos? Beaucoup trop peu à mon goût mais je suppose que les médecins savent ce qu’ils font.
Toujours pas de nouvelles de sa psychiatre Delphine. L’équipe médicale à Poissy n’en a pas non plus…. Ma fille est très déçue, et moi encore plus.

Une semaine à l’hôpital

novembre 16th, 2009

On a pu la visiter hier. Son papa et moi sommes resté toute l’après midi. Il est arrivé une demi-heure avant moi et parti une heure avant moi. Comme ça, nous avons pu passer chacun un peu de temps seul avec elle.

Elle va bien. Moralement en tout cas, elle est beaucoup plus détendue, beaucoup plus positive.
Au niveau du poids, c’est très moyen. Elle a pris 800 grammes dans la semaine, mais perdue 100 grammes samedi… ce qui l’a affolé car elle craint beaucoup la sonde.
On a mis la sonde à sa copine jeudi dernier. Ma fille y a échappé de justesse.
Mais voir l’autre fille avec cette sonde lui fait peur : « Quand je pense qu’il y a 1500 calories qui passent par le nez et qu’en plus elle doit manger, je préfère goûter ce que je mange!! » Et oui, ma fille aime manger, aime cuisiner, aime la nourriture. Mais elle en a peur car elle pense ne pas pouvoir se contrôler, pense qu’elle va trop manger et ne pas savoir où s’arrêter.

Les 100 grammes qu’elle a pris, l’ont réveillé. Elle commençait à se dire qu’elle pouvait prendre du poids en ne mangeant que la moitié des repas. Et elle se rend compte que ce n’est pas possible. Du coup, elle fini tout son plateau. A mal au ventre après. Mais ne peut pas faire d’exercice, ne pas sortir. Alors elle fait des aller retour dans le couloir, du sur place dans sa chambre.

Elle voit un médecin tous les jours avec qui elle s’entend très bien. Les infirmières sont adorables. Elle n’a vu la psy qu’une seule fois. Pas de nutritionniste, pas de kiné… finalement beaucoup moins de soins qu’à l’extérieur.

Elle était ravie d’avoir des nouvelles de tout le monde. Ravie d’avoir des lettres de ces amies. Rassuré qu’on pense à elle. Elle,  qui pensait que plus personne ne voulait la voir, que personne ne tenait à elle….

Son papa lui a acheté un ordinateur portable. Trop contente, ma fille!
J’ai transféré toutes les photos, musique et données de son ordinateur et cela va l’occuper quelque temps. Rien que faire le ménage dans les milliers de photos va lui prendre pas mal de temps. Je lui ai donné des CD vierges pour mettre les photos qu’elle sélectionnera pour faire imprimer. Et ensuite, elle pourra faire l’album que je lui ai acheté…

Elle parle beaucoup de sa sortie. Se rend compte que ce ne sera pas aussi vite que prévu. Est rassuré quand je lui dis qu’elle ne retournera pas au lycée avant janvier, qu’il lui faudra de temps une fois sortie de l’hôpital.

Pourtant, malgré sa bonne humeur et son état physique nettement meilleur, on voit qu’elle est encore loin d’être guérie… Qu’il va encore falloir du temps.
Mais tout est encourageant. Et puis… c’est elle « la moins atteinte » de tout le service…
(ce qui est un peu vrai… mais au royaume des aveugles les borgnes sont roi, n’est ce pas!)

On voit le pédiatre demain soir pour premier entretien depuis son hospitalisation.

 

Soulagement

novembre 12th, 2009

Un énorme poids est tombé hier. Une énorme angoisse a disparu. Une nuit enfin sereine pour tous.
C’était avec la peur au ventre qu’on s’est rendu à l’hôpital hier. Comment allait-elle réagir? Est-ce qu’elle allait vouloir nous voir? Avait-elle mangé?
On est rentré dans le couloir du service adolescents chargés de sacs : couverture, doudous, PSP, DS, lecteur vidéo, livres, magazines, liseur de cheveux, papier à lettre, enveloppes, photos…. toute la liste qu’elle nous avait donné par l’intermédiaire de l’infirmière était dans ces sacs.

Elle m’a vu à travers la porte de la salle commune. S’est levé avec un grand sourire et s’est jeté dans mes bras. Un instant magique, un moment tellement espéré mais tellement inattendu. Elle est allée dans les bras de son papa, et on comprend qu’elle va bien.

Visite de sa chambre, présentation de ses amies, compte rendu de sa journée, des repas, des maladies de chacun… Elle était de bonne humeur, même joyeuse, lucide, ouverte : j’ai retrouvé ma fille telle que la connait : combattante, critique, active, affectueuse…

Elle prend des nouvelles de tout le monde. Veut écrire à tous. Veut recevoir du courrier, des petits objets qui la font penser à chacun.

Elle nous décrit la situation des autres : 3 filles anorexiques (dans un état bien pire qu’elle …sic), 2 patients suicidaires, une fille diabète. Ils viennent et partent. Ils parlent beaucoup. Elle a été accueillie par les autres qui sont tout de suite venu vers elle.

Elle déteste le pédiatre. Je l’adore. Je lui serais éternellement reconnaissant pour ce qu’il a fait.

Évidement, les journées sont longues. Elles s’ennuient, mais trouvent du temps pour regarder la télé, lire, manger ensemble, parler, bricoler, avoir un soutien scolaire.
Elle demande ses cours mais est rassuré par la position de l’école que j’ai rencontrée lundi. Elle sait maintenant qu’elle n’a pas de soucis à se faire pour sa scolarité, qu’on l’aidera à passer son année.

On fait un tour à l’extérieur, ce qui lui fait du bien. Elle n’a plus froid.

On a hâte de la revoir dimanche et on reviendra avec toutes les choses qu’elle a demandé : une télévision (il n’y en a qu’une dans tout le service), des posters, des photos, un oreiller, des vêtements « normaux », ….. La liste est longue, mais qu’importe.

Elle a écrite une longue lettre à son frère. Une lettre pleine de tendresse, de volonté, de lucidité.
Elle veut écrire aux autres… par courrier, car email et téléphone sont inexistants.

 

Sa journée en quelques mots :

Réveil à 8 heures : interdiction de sortir du lit avant prise de tension.
Pesée
Reprise de tension
Petit déjeuner (pas assez à son goût!)
Psychologue (2 fois par semaine)
Médecin
Déjeuner à 12 heures : au choix. Pas d’obligation de manger. On vérifie juste à la fin ce qu’elles ont pris.
14 heures : soutien scolaire avec professeurs externes. Matières selon son envie.

16 heures : goûter

Visite des « chemises roses » ; des volontaires qui viennent faire du bricolage avec eux.

18 heures : diner

Il reste beaucoup de temps « libre », beaucoup de temps pour « s’ennuyer », chose très importante pour « soigner » la maladie.

Elle a pris 500 grammes et remange du pain et des féculants. Elle fait tout pour ne pas avoir la sonde aujourd’hui. Elle est gentille avec le personnel car elle a compris que c’est la seule façon de pouvoir sortir au plus vite.
Elle calcule combien de temps elle devra rester : 500 grammes en 3 jours. 5 kilos en 30 jours. Elle pense pouvoir faire « mieux » et réduire le temps qu’elle restera. Il faut qu’elle prenne 6 kilos avant de sortir et a conscience qu’elle devra en prendre minimum 12 pour guérir complètement.

Une prise de conscience qui va durer? Difficile à dire car la maladie est tellement perverse. On ne sait pas dans quelle mesure elles veulent donner une bonne impression, regrossir rapidement pour sortir…et ensuite recommencer.

Mais on est positif, optimiste. Et on verra ce que l’avenir dira.

J + 1

novembre 10th, 2009

C’est la première journée depuis 2 mois que je n’ai pas peur. C’est la première journée où j’arrive à respirer normalement, où je ne regarde pas mon téléphone toutes les 2 minutes, où je ne me demande pas dans quel état je vais retrouver ma fille, ce qu’il faudra faire à manger, à quelle heure on doit aller en consultation….

C’est un soulagement de la savoir à l’hôpital. C’est rassurant, même si je ne peux pas la voir, lui parler. J’ai aussi besoin de quelques jours pour revenir à mes esprits.

J’ai eu le médecin hier soir en ligne. Il répond de suite, me donne immédiatement des nouvelles (j’en ai toujours pas de la part de sa psychiatre !!!).
Elle s’est calmé 20 minutes après notre départ. N’est pas resté dans sa chambre et a rejoint les autres jeunes filles présentes dans le service.
Moralement, il semblerai que ça va. Au niveau de l’alimentation c’est très difficile.
Le médecin lui donne jusqu’à jeudi pour manger. Si non, ce sera la sonde.
Je croise les doigts pour qu’elle y arrive.

Il m’a dit qu’on peut venir la voir mercredi et le weekend. Uniquement les parents et pas plus d’une heure. Si elle ne veut pas nous voir, il me rappelle. Si non, on verra sur place.
C’est beaucoup plus humain comme approche, et même si elle ne veut pas nous voir, le simple fait de savoir qu’on peut y aller est terriblement rassurant.
On peut téléphoner le service quand on veut. Pas de coupure totale comme c’est le cas ailleurs. Espérons que cela soit efficace.

Pour l’instant, l’hospitalisation sera de minimum 4 semaines avec une prise de poids de 5 kilos. Tout dépendra d’elle maintenant.

Journée noire

novembre 9th, 2009

Je reste sans mots, sans voix. J’ai pu crier, j’ai pu pleurer. Maintenant, c’est le vide.

Ma fille est à l’hôpital. On lui a appris son hospitalisation ce matin 15 minutes avant de partir. Elle savait que ça allait arriver. Mais elle s’est renfermée encore plus. Elle a fait une crise, elle a hurlé, c’était inévitable.

J’ai fait sa valise. Elle a fait sa valise. Elle ne voulait pas d’aide.
Finalement elle est descendue, elle est allée dans la voiture. Seule, en pleurant. Elle ne voulait pas que sa marraine l’accompagne. Elle voulait être seule avec moi. Sans le dire.
Elle m’adresse plus la parole, m’ignore, siffle entre les dents de la laisser tranquille.

« Adieu Aston, je vais à l’hôpital pour mourir… » Voilà les derniers mots qu’elle a dit en quittant la maison.

Dans la  voiture elle pleure, mais elle est calme. Elle prend ses affaires en arrivant à l’hôpital. Me suit, me tourne le dos et ne veut plus me voir.
On attend, son papa n’étant pas encore là. Elle recommence à pleurer, veux venir dans mes bras. Mais le téléphone sonne. C’est son papa… elle se referme avant même que j’ai pu la prendre. Elle remet le masque.
Je fais les papiers d’admission. Son papa arrive mais elle ne veut pas le voir.
Il voit le médecin. Et on part.

Elle a une chambre seule, mais ils vont la mettre avec une jeune fille qui est rentré hier pour les mêmes raisons.

Je ne sais pas quand je vais la revoir. Je ne sais pas quand elle voudra me revoir.

J’ai téléphoné à sa psy pour lui annoncer la nouvelle sur sa messagerie. Depuis 2 heures je reste sans réponse… Quel soutien!

 

 L’hôpital … et après?

L’hôpital est une étape incontournable. Mais il faut prévoir la suite. Ellene pourra pas revenir à la maison. Retournerau lycée. Revenir sans cette famille qui n’en est plus une.
Je vais partir. Je vais emmener mes enfants à Bruxelles.
Je dois m’organiser maintenant. On a trop soufferts. On a trop vécu… ou pas vécu.
Je vais faire beaucoup de mal. Mais je dois créer une rupture. Je dois offrir à mes enfants une autre vie, donner d’autres perspectives.
Il faut un changement radical. Même temporaire.

Il n’y a pas de responsable, pas de reproches à faire. On a essayé. On n’y est pas arrivé malgré toute la volonté du monde.
Je ne veux pas faire mal. J’ai peur du changement. Mais rester serait une erreur.
On le sait depuis longtemps. On ne veut pas l’avouer.
Il y a 20 ans, le mur de Berlin est tombé. Aujourd’hui c’est moi qui casse notre mur.

On pleure. Chacune de son côté

novembre 7th, 2009

Je ne sais pas quelle sera la journée la plus difficile : l’emmener à l’hôpital lundi ou aujourd’hui. Aujourd’hui ma fille et moi avons pris conscience qu’on sera séparé pendant un bout de temps.  Aujourd’hui la décision de l’hospitalisation est devenue une réalité.

Elle est au lit, ne veut plus en sortir. Elle pleure depuis ce matin. Sans arrêt. Je vais la voir, mais elle ne veut pas de moi.
Je pleure, essaie de me contrôler quand je vais la voir. Mais les larmes sont dans mes yeux et dans mon cœur. Je n’arrive plus à arrêter.
Je ne veux voir personne, parler avec personne. Je veux juste être près d’elle. Je veux juste avoir ces quelques moments ensemble.
On est toutes les deux. Elle au lit, moi dans mon bureau ou dans le jardin.
Mon fils fait du vélo. Mon mari fait de la chasse.
Ils trouvent une façon d’échapper à cette douleur. Ils ne peuvent pas gérer cette situation. Ne peuvent pas comprendre. C’est mieux comme ça.

Je sais qu’on ne peut pas échapper à l’hôpital et je suis soulagé que la décision soit prise. Beaucoup trop tard, mais elle est prise.
Mais la perspective de ne pas la voir pendant plusieurs semaines, l’emmener dans un endroit qui lui semble être une prison … c’est presque inhumain. Mais c’est encore plus inhumain de la garder avec nous et de la laisser dans cette situation.

Elle ne veut pas venir pour récupérer le chien qui est toujours au chenil. Elle ne veut pas aller acheter des joggings, des magazines. Elle veut juste rester dans son lit. Et moi je n’ose pas quitter la maison.

Je vais essayer de la faire manger. Mais j’ai peu d’espoir.

Le couple ne tiendra pas

novembre 7th, 2009

Je suis une femme ignoble. Je suis détestable. Je ne sais pas ce que c’est de travailler.
Si ma fille est dans cette situation aujourd’hui c’est parce que je vais l’amalgame entre ma situation et la sienne.
Que si je n’avait pas été obsédé par mon poids, elle n’aurait pas eu de problème.

Je réponds que sa maman était obsédée par son poids. Qu’elle se faisait peser, mesurer par son amie. Qu’elle avait tellement peur de prendre un gramme.
Il devient livide. Comment je peux attaquer sa mère?
Je lui réponds qu’il attaque ma famille, qu’il m’attaque moi. Que j’ai le droit de dire ce que je pense… et qui en plus est une vérité et pas une critique gratuite.

On hurle. Je lui dis que je vais le quitter avec mes enfants. Qu’il restera avec ses maisons, ses voitures, ses maitresses. Que je ne le supporte plus. Que je ne supporte plus les mensonges, les reproches.

Pendant le repas avec les enfants, il n’a parlé que du travail. Positif, car les affaires vont mieux. Alors qu’à plusieurs reprises je lui ai demandé de ne pas parler du travail à table. Que tous les livres et médecins disent qu’il faut des conversations légères qui concernent les enfants. Il n’a rien compris.

Je vais me coucher. Les enfants ont probablement tout entendu. Je n’en peux plus de les faire subir cela. Et c’est ma faute. Car j’ai craqué. Si je n’avais rien dit, rien ne se serait passé. On aurait passé une soirée tranquille.

Je me couche. Il me réveille. Je l’ignore. Comme il a fait tellement souvent quand moi je voulais lui parler. Quand moi j’avais besoin qu’il me parle, qu’il me réponde.
Ca ne me touche pas. Je n’ai aucun problème à l’ignorer. Il se met sur le lit, je me dis qu’il va me tirer de là, tellement qu’il est fâché.
Mais il part et va se coucher. Car demain il y a chasse… et dans 2 jours sa fille va à l’hôpital…

Dimanche :

Finalement mon mari est revenu de la chasse cette nuit.
Ce matin réveil à 11h30. Il est gentil, ne comprend pas pourquoi je suis froide et distante. Surtout très triste et pas possible de retenir mes larmes.

Je lui dis que ma belle soeur, la marraine de la fille arrive de Bruxelles pour voir notre fille. Je dis également que si elle peut rester jusqu’à demain, je préfère qu’elle emmène notre fille avec lui à l’hôpital. Que pour moi cela va être trop difficile.
Il me répond que c’est bien, mais que ce n’est pas possible lundi après midi car rendez-vous important pour le travail. Je me fâche, il ne comprend pas pourquoi.
Ce n’est pas la peine d’expliquer. Je me bats contre un mir d’incompréhension, un mur qui ne veut pas être percé.
Il est allé à la chasse alors que sa fille va se faire hospitaliser pendant plusieurs semaines. Il m’a demandé si je voulais qu’il reste. Je n’ai pas répondu. C’est à lui de savoir que dans ces moments là on a besoin d’être ensemble. Que j’ai besoin de lui. Que je n’y arrive pas toute seule. Il ne comprend pas.
Même les enfants ne lui demandent pas de rester. Ils ont le même sentiment que moi.
Sans qu’on se le dise. Les non-dits …. dont j’ai parlé pendant la thérapie de famille

Menu détaillé = prise de conscience

novembre 7th, 2009

J’ai récupéré ma fille au lycée hier midi pour aller au rendez-vous à Poissy.
Elle était calme, de bonne humeur. Elle m’a juste demandé une fois si ce rdv était bien un rdv médical comme celui avec le généraliste. Je l’ai rassuré en disant qu’on n’allait pas la garder de suite à l’hôpital.

Le médecin l’a vu seule pendant un certain temps. Ensuite il est venu me chercher en disant qu’il faisait pleurer ma fille… j’ai vite deviné ce qu’il a dû lui dire.
Et il me le répète : hospitalisation lundi ou mardi au plus tard. Pendant minimum 1 mois et prise de poids de minimum 5 kilos. Visites autorisés avec la famille une à deux fois par semaine. Pas plus. Pas de téléphone.
Il est à la fois gentil et ferme. Il me prend à part, car on ne s’entend plus tellement que ma fille hurle dans le cabinet.
Me dis qu’elle va continuer à faire des crises, qu’elle va essayer de tout faire pour éviter d’aller à l’hôpital, qu’elle va pleurer, supplier, négocier…
Mais il faut rester ferme : ce n’est pas négociable.
Et si elle ne veut pas venir, il faut que son père l’emmène de force. Passer par les urgences si nécessaire. Et qu’on devra partir très vite après. Il me dit que la crise va durer une heure et qu’ensuite elle se calmera. Qu’elle saura qu’elle n’a pas de choix.

Comment imposer tout ça à une maman? Comment ne pas craquer devant ses pleurs et ses supplices? Je n’ai pas le choix, mais je sais que ces prochains jours vont être horribles.

On rentre à la maison. Dans la voiture et à la maison, elle continue à pleurer pendant des heures « Je n’irai pas à l’hôpital, je ne veux pas, maman, tu ne peux pas me faire ça. Maman, stp, maman, ne le fais pas. Je veux rester avec vous, je veux rester au chaud. L’hôpital c’est froid, je vais être seule. Je ne peux pas rester toute seule. »

Je ne dis rien, je l’écoute, la prend dans mes bras. Lui explique qu’on n’a pas de choix. Que sa santé est en jeu et que maintenant ce n’est plus nous qui décidons. Ce sont les médecins.
Elle me dit qu’elle va manger ce weekend. Montrer qu’elle en est capable. Et si ça marche, est-ce qu’elle ne devra pas aller à l’hôpital?
Je ne lui promets rien. Lui dit que si elle est capable de tout d’un coup changer son alimentation et manger normalement, on pourrait changer d’avis. Mais que ça ne dépendra pas de moi.
Elle envoi des SMS à sa psychiatre pour la supplier de la laisser aller à Bruxelles. De ne pas l’hospitaliser si elle prouve ce weekend qu’elle peut manger…

Réponse de la psy : ce n’est pas négociable. Elle renvoi des SMS en suppliant d’être d’accord… Réponse : non négociable.

Sur ce, ma fille dit que ce n’est pas la peine de faire des efforts d’alimentation. « Je ne vais pas manger si en toute façon je vais être hospitalisé »….

Cette maladie est tellement perverse…

On va voir sa nutritionniste habituelle. Je lui envoi un sms pour lui demander de faire des menus précis pendant quelques jours, car ma fille me le demande.
C’est la troisième fois que je lui fais cette demande, mais à chaque fois elle revient sur des menus approximatifs qui ne peuvent pas la faire grossir…
Ma fille me demande de rester avec elle cette fois pendant la consultation. D’expliquer la situation.
La nutritionniste n’a rien compris. Ne voit pas pourquoi elle donnera des menus précis. Que l’hôpital est incontournable. Qu’ seule une hospitalisation ne suffira pas !!!!!
C’est la goutte en trop. Mais pourquoi lui dire ça? Mais elle insiste : « Je suis honnête et pas l’habitude de mentir. Avec l’expérience, je vois que dans la plupart des cas, il faut plusieurs séjours à l’hôpital pour s’en sortir »….  Oui, peut être à la Clinique des Pages … Mais ce n’est pas systématique et beaucoup s’en sortent avec un seul séjour.
On ne va donc pas la démoraliser encore un peu plus.

Entre temps j’ai également téléphoné Fabienne, mon amie nutritionniste. Sa collègue m’envoi à titre exceptionnel, les menus par mail pour le weekend. On prend rdv pour lundi… On ne sait jamais. On peut toujours croire à un miracle.
Ma fille voulait des menus précis, heure par heure, pour savoir quoi manger, quand manger.
Maintenant je les lui donne. Et je connais déjà le résultat. Elle se rend compte que l’hôpital est incontournable….

Pour donner une idée du menu de ce soir :
Un petit verre de jus de tomate avec une poignée de cacahuètes.
Des pâtes complètes cuites, avec un jaune d’œuf,
un peu de crème fraîche, du basilic et du Parmesan.
Du poulet grillé avec du basilic, à manger sans la partie grasse.
Une tarte aux pommes avec une boule de glace à la vanille.

C’est tout simplement impossible.

Elle pleure, mais ne supplie plus. Elle a compris qu’il n’y a pas de choix.
Elle est triste, tellement triste.