Soirée de filles

septembre 13th, 2009

Dimanche soir… encore un weekend derrière nous. Une nouvelle semaine va commencer, avec des nouveaux rendez-vous, des nouveaux espoirs.
Mais aussi des journées où on voit que notre fille va de plus en plus mal.

Vendredi soir, elle a invité 7 copines à la maison pour passer la soirée et pour rester dormir. J’étais ravie qu’elle ait pris l’initiative et qu’elle ait dépassé sa timidité pour les inviter.
Je l’ai récupéré à 17 au lycée pour faire quelques courses. Au supermarché, elle commençait déjà à paniquer. « Que vais-je faire à manger »? « Elles veulent mes cookies », « Je dois encore tout préparer et je veux leur faire des bons plats ».
Je lui fais remarquer qu’il est possible de faire quelque chose de simple. Des pizzas, des tacos, une salade. L’importance est d’être entre copines et de passer une bonne soirée.
Mais ce sont des mots qu’elle ne veut pas entendre. Il faut que tout soit PARFAIT, qu’elle les épate avec sa cuisine….

Une fois à la maison, elle se met de suite à cuisiner. Pas le temps de prendre un goûter (évidement).
Et quand elle découvre qu’il manque de l’huile, la crise éclate. Elle devient hystérique « je n’y arrive pas », « je suis nulle », « je ne fais rien de bien », « je n’ai pas le temps de tout finir », « je n’ai pas le temps de manger » (pourquoi cette phrase?)…. Et malgré mon calme et mon aide, elle continue à hurler. Elle coupe la salade avec un couteau en tapant dessus. Je lui enlève le couteau des mains car j’ai vu arriver le moment où elle n’allait plus se contrôler.
Et comme les anorexiques peuvent avoir tendance à se taillader le corps…

Suis parti chercher de l’huile en voiture… vite, très vite, car je ne voulais pas la laisser seule.

A mon retour, dix minutes plus tard, elle était plus calme. J’ai pris les choses en main, l’ai aidé à organiser le repas, et ensuite je l’ai envoyé s’habiller et préparer les lits (il fallait absolument que ce soit elle qui les prépare avant que tout le monde arrive).

Ce comportement est tout à fait typique pour une anorexique. Ce sentiment de ce noyer, dès qu’elle ne maitrise plus la situation. Cette envie que tout soit parfait. Cette colère quand elle sent qu’elle n’y arrivera pas.
Pourquoi met-elle cette barre tellement haute? Pourquoi cette foutue envie de perfectionnisme?

Finalement, la soirée s’est bien passée, mais ses amies se sont posé des questions entre elles. « Est-ce qu’elle est malade »? « Pourquoi a t-elle tellement maigri »? « Pourquoi se met-elle toujours un peu à l’écart »?

Ma fille m’a expliqué le lendemain, qu’elle se sent à l’extérieur du cercle. Qu’elle n’arrive pas à être avec les autres, à se laisser aller.

Elle ne comprend pas pourquoi elle n’ose pas demander à ses amies (à 3 heures du matin) de parler moins fort  parce qu’elle est fatiguée. Peur d’être jugé par les autres, peur de  ce qu’elles vont en penser. Alors qu’un peu plus tard, une autre amie le demande et que personne ne la juge.
Après elle se dit qu’elle est nulle, qu’elle est bête, qu’elle ne comprend pas pourquoi elle n’y arrive pas.
Elle n’a pas dansé avec les autres… trop fatiguée, trop épuisée, trop réservée, trop isolée…

Le matin au petit déjeuner, elle a préparé la table pour ses copines. 6 chaises alors qu’elles sont 7. Pas de chaise pour elle. Elle préfère se mettre sur la table de travail de la cuisine, en hauteur.
Ses amies lui demandent de s’assoir avec elles. J’ajoute une chaise. Mais elle refuse. Elle préfère regarder les autres « de haut » pour « dominer » la situation?

Plus tard, j’en parle avec elle et elle avoue qu’effectivement elle ne voulait pas être à table par peur que les autres jugent ce qu’elle mange. Mais elle avoue également qu’elle souhaite dominer la situation.

Je tente de lui faire comprendre qu’il faut peut être apprendre à être moins directive (autoritaire?) avec les autres. De mettre un peu de « rondeur » dans ses paroles. On parle des « rondeurs » dans le langage, dans la vie, dans le corps (« gezellig » en néerlandais… mot qui n’existe pas en français).

Elle me dit qu’elle est moche maintenant. Qu’elle n’a plus de fesses, plus de seins, qu’on voit des os partout et que c’est horrible. Qu’elle ne veut pas devenir aussi maigre. Mais qu’elle ne peut pas arrêter.
On va acheter un maillot pour la piscine au lycée. Elle a honte. Se dit qu’il est impossible de se montrer comme ça devant ses camarades.

J’ai eu un moment d’espoir.

Elle est anorexique, mais elle avoue qu’elle est trop maigre, que ce n’est pas beau. Elle ne cherche pas à montrer ses os, à perdre davantage de poids. Est-ce que cela peut être encourageant?

 

Entre temps du poids, elle continue à en perdre. Trop.

Demain, on voit la psychiatre. Espoir?

Et puis, notre fils. Non, je ne l’oublie pas et j’essaie de tout faire pour qu’il passe des bons moments.
Il a invité 5 copains de samedi à dimanche pour faire un « raid » dans les bois autour de chez nous et passer la nuit sous la tente dans le jardin. C’était la fête. Mac Do, nuit blanche, parties de « gun à billes » (bon d’accord, pas génial les armes, mais mieux être dans les bois que derrière l’ordi).

Moi aussi j’ai passé une nuit blanche…

 

J’en ai les larmes aux yeux….. Je peux plus te dire que c’est la descente dans les enfers de l’anorexie, tu l’as déjà compris…… Elle essaie de s’auto persuader qu’elle vit comme les autres, et malheureusement le fossé elle le sent, elle le voit, elle le perçoit. Ils ont des moments de lucidité sur leur maigreur……. ça fait deux ans que je n’ai pas vu ma fille en maillot !!! Je te montre ma fille à la maison, lors d’un weekend end de permission à  l’hôpital :

Regarde ses mains, tu reconnais cette couleur…….
le regard triste malgré le sourire……….

Publié par Maman contre l’anorexie le lundi 14/09/2009 –