Soulagement

novembre 12th, 2009

Un énorme poids est tombé hier. Une énorme angoisse a disparu. Une nuit enfin sereine pour tous.
C’était avec la peur au ventre qu’on s’est rendu à l’hôpital hier. Comment allait-elle réagir? Est-ce qu’elle allait vouloir nous voir? Avait-elle mangé?
On est rentré dans le couloir du service adolescents chargés de sacs : couverture, doudous, PSP, DS, lecteur vidéo, livres, magazines, liseur de cheveux, papier à lettre, enveloppes, photos…. toute la liste qu’elle nous avait donné par l’intermédiaire de l’infirmière était dans ces sacs.

Elle m’a vu à travers la porte de la salle commune. S’est levé avec un grand sourire et s’est jeté dans mes bras. Un instant magique, un moment tellement espéré mais tellement inattendu. Elle est allée dans les bras de son papa, et on comprend qu’elle va bien.

Visite de sa chambre, présentation de ses amies, compte rendu de sa journée, des repas, des maladies de chacun… Elle était de bonne humeur, même joyeuse, lucide, ouverte : j’ai retrouvé ma fille telle que la connait : combattante, critique, active, affectueuse…

Elle prend des nouvelles de tout le monde. Veut écrire à tous. Veut recevoir du courrier, des petits objets qui la font penser à chacun.

Elle nous décrit la situation des autres : 3 filles anorexiques (dans un état bien pire qu’elle …sic), 2 patients suicidaires, une fille diabète. Ils viennent et partent. Ils parlent beaucoup. Elle a été accueillie par les autres qui sont tout de suite venu vers elle.

Elle déteste le pédiatre. Je l’adore. Je lui serais éternellement reconnaissant pour ce qu’il a fait.

Évidement, les journées sont longues. Elles s’ennuient, mais trouvent du temps pour regarder la télé, lire, manger ensemble, parler, bricoler, avoir un soutien scolaire.
Elle demande ses cours mais est rassuré par la position de l’école que j’ai rencontrée lundi. Elle sait maintenant qu’elle n’a pas de soucis à se faire pour sa scolarité, qu’on l’aidera à passer son année.

On fait un tour à l’extérieur, ce qui lui fait du bien. Elle n’a plus froid.

On a hâte de la revoir dimanche et on reviendra avec toutes les choses qu’elle a demandé : une télévision (il n’y en a qu’une dans tout le service), des posters, des photos, un oreiller, des vêtements « normaux », ….. La liste est longue, mais qu’importe.

Elle a écrite une longue lettre à son frère. Une lettre pleine de tendresse, de volonté, de lucidité.
Elle veut écrire aux autres… par courrier, car email et téléphone sont inexistants.

 

Sa journée en quelques mots :

Réveil à 8 heures : interdiction de sortir du lit avant prise de tension.
Pesée
Reprise de tension
Petit déjeuner (pas assez à son goût!)
Psychologue (2 fois par semaine)
Médecin
Déjeuner à 12 heures : au choix. Pas d’obligation de manger. On vérifie juste à la fin ce qu’elles ont pris.
14 heures : soutien scolaire avec professeurs externes. Matières selon son envie.

16 heures : goûter

Visite des « chemises roses » ; des volontaires qui viennent faire du bricolage avec eux.

18 heures : diner

Il reste beaucoup de temps « libre », beaucoup de temps pour « s’ennuyer », chose très importante pour « soigner » la maladie.

Elle a pris 500 grammes et remange du pain et des féculants. Elle fait tout pour ne pas avoir la sonde aujourd’hui. Elle est gentille avec le personnel car elle a compris que c’est la seule façon de pouvoir sortir au plus vite.
Elle calcule combien de temps elle devra rester : 500 grammes en 3 jours. 5 kilos en 30 jours. Elle pense pouvoir faire « mieux » et réduire le temps qu’elle restera. Il faut qu’elle prenne 6 kilos avant de sortir et a conscience qu’elle devra en prendre minimum 12 pour guérir complètement.

Une prise de conscience qui va durer? Difficile à dire car la maladie est tellement perverse. On ne sait pas dans quelle mesure elles veulent donner une bonne impression, regrossir rapidement pour sortir…et ensuite recommencer.

Mais on est positif, optimiste. Et on verra ce que l’avenir dira.