Lorsque nous avons rencontré le psychiatre de ma fille, mon mari et moi avons parlé de notre propre adolescence. Deux histoires totalement différentes. La sienne, enfants unique, pension, relation houleuse avec le père… et pour finir une triste perte de sa maman. La mienne, 2 frères, jeunesse facile, adolescence « normale » et bien remplie, souvenirs merveilleux, beaucoup d’amour, liens familiaux très forts et encore aujourd’hui un « clan » dont tous les membres sont très proches.
Le psy m’a demandé s’il n’était pas difficile pour moi de vivre la séparation avec ma fille compte tenu du fait qu’on soit tous tellement proches.
Pour moi, cela a été un soulagement de la savoir en sécurité à l’hôpital. Et je sais qu’on va se retrouver et que rien ne pourra casser notre relation.
Cette séparation, je la vis bien. J’ai le temps de souffler un peu, j’ai le temps de réfléchir. Et surtout, je sais que cette séparation est nécessaire afin que ma fille puisse prendre ses distances par rapport à moi.
Parfois je me demande même si il ne serait pas mieux qu’elle ne me voie pas du tout pendant quelques semaines. Pour se construire. Pour ne pas rester « accroché » à moi….
J’ai retrouvé une lettre que j’ai écrite le 4 mai 2002 lorsque son père, elle et moi avons consulté un psychiatre :
Nous sommes allés voir un psychiatre aujourd’hui, elle, son papa et moi… pour essayer de l’aider à se débarrasser de ses angoisses, de ses peurs, de son mal de vivre, parfois.
Pour tenter de la libérer un peu de moi, car elle est beaucoup trop dépendante.
Elle était inquiète, angoissée. Elle avait du mal à parler, par peur de fondre en larmes. Elle n’a pas cessée de me regarder, de chercher de l’assurance dans mon regards, de chercher mon approbation, peut être?
Le psy s’est adressé à elle uniquement. C’est bien. Il posait des questions appropriées, lui expliquait les choses en essayant de les transmettre dans son langage. Il lui dit qu’elle me regarde trop, qu’elle ne s’adresse pas à son papa. Qu’elle devrait essayer de répondre sans moi. C’est un premier pas vers une sorte de libération.
Mais quoi de plus normal qu’un enfant de 9 ans qui s’adresse à sa maman, qui s’attache à sa maman parce que le papa n’est jamais vraiment présent?
Ensuite, il m’a demandé si elle me racontait beaucoup. Oui. Tout? Presque … Et à son papa? Hochement dubitatif de la tête. Est-ce que s’est ta maman qui te pose (t’oblige?) des questions ou est ce que c’est toi qui veut parler? Les deux !
Evidement qu’elle me parle beaucoup et que j’essaie de la pousser à s’exprimer. Il n’y a que comme ça que je peux la comprendre et l’aider. Ca me parait tellement essentiel de communiquer ensemble.
Est-ce que ton papa est sévère? Un peu… dans la moyenne… Elle n’ose pas en dire davantage. Est-ce que ton papa te fait peur? Non… Non? Stupéfaction de ma part. Je ne dis rien. Je ne veux pas l’influencer. Mais elle a peut de dire la vérité. Un enfant qui n’a pas peur de son papa, ne se met pas à pleurer à la moindre remarque. Cet enfant n’a pas peur de venir dans la chambre de ses parents parce qu’il fait des cauchemars. Ma fille n’ose pas venir… elle me répète sans arrêt qu’elle a peur de venir dans notre chambre la nuit par peur que son papa se fâche et la renvoi sans sa chambre. Ce n’est pas une angoisse ça??
Le psy lui dit qu’il faudrait que son papa soit plus sévère. Plus sévère??? Je n’en crois pas mes oreilles. Elle a justement besoin d’être rassurée, de pouvoir parler avec lui, de jouer avec lui… tout simplement besoin de le voir et de nous voir bien ensemble. Ce n’est pas en étant maladroitement sévère qu’on résoudra quoi que se soit.
Il lui a dit qu’elle s’inquiète trop pour sa maman. Elle a du mal à comprendre que je suis une femme indépendante qui peut très bien se débrouiller toute seule. Mais elle n’a que connu le contraire à la maison. Une maman qui n’est pas respecté par son mari et qui est sans arrêt diminuée dans leurs yeux. Une maman qui essaie de compenser les absences de leur papa en donnant peut être un peu trop.
Ma fille se met à pleurer. Fort. Ca lui fait du mal d’entendre qu’il faut se séparer un peu de sa maman et peut être se rapprocher un peu plus de son papa. Il a raison. Tout à fait raison.
Mais comment se rapprocher se son papa si il n’est pas présent? S’il ne partage pas le quotidien avec nous? S’il continue à être absent comme il l’a été toutes ces années?
Ma pauvre petite fille. Ca me fait mal de sa voir secouée comme ça. Mais je suis contente que les choses aient été dites.
Je sors de ce rendez-vous avec l’impression d’être une mère envahissante, presque tyrannique…. Pourtant je ne rêve que d’une famille unie. Je rêve d’avoir un mari présent et un père pour les enfants. Je veux que mes enfants soient indépendants, qu’ils puissent s’épanouir et avoir une adolescence heureuse. Mais si je ne m’en occupe pas, qui va le faire?