Hier matin ma fille est venu dans mon bureau car je travaillais à la maison. Nous avons parlé. Tout allait bien depuis samedi dernier.
Lorsque je lui ai demandé de faire une liste des possibilités qui s’offrent à elle pour s’occuper la journée (hôpital, lycée mi temps, CNED, cours particuliers, hôpital du jour, cours de langues …. nous avons déjà cherché pas mal de choses!) elle s’est recroquevillée sur le sol et a commencé à pleurer. « Tu ne comprends pas, je ne sais pas, je ne peux pas…. ».
Je lui ai répondu qu’il est quand même important de faire des choix car elle ne peut pas rester seule à la maison pendant toute la semaine. Cela ne va pas la guérir et plutôt l’enfoncer encore davantage dans la dépression.
Elle est allée dans sa chambre. La crise a commencé et les hurlements se sont vite transformés en hystérie.
La semaine dernière nous avons été voir le médecin à l’hôpital de Poissy. Je lui ai longuement décrit ces crises car je pense qu’ils ne les prennent pas assez au sérieux.
On en a parlé avec notre fille et le médecin m’a dit de ne pas réagir à ses crises. De la laisser dans sa chambre, même si elle lance tous types de menaces.
Elle ne comprend pas pourquoi il dit ça car à ces moments elle a justement besoin de moi. Et que si je ne réagis pas, elle dit qu’elle veut mourir et se faire du mal. Il lui a demandé ce qu’elle faisait dans ces moments. Elle lui répond qu’elle veut se couper, se cogner la tête contre les murs. Mourir…
Il lui répond que ce n’est pas comme ça qu’on se suicide. Que sa réaction est plutôt celle de quelqu’un qui veut vivre. Qui veut se faire du mal pour se sentir vivre….
Que c’est une façon malsaine de me faire passer des messages et qu’elle n’a pas le droit de se mettre dans cet état. De nous imposer ça.
Il lui demande d’apprendre à se maîtriser. A essayer de parler avant la crise.
J’ai donc tenté de suivre son conseil en la laissant pleurer dans sa chambre hier.
Les hurlements sont devenus de plus en plus forts. Jusqu’au moment où je n’étends plus rien. Je monte pour voir. Elle essaie de retenir sa respiration pour s’étouffer. Quand j’arrive elle recommence à hurler et à se taper la tête contre les murs.
Ensuite elle descend dans la cuisine. Prend un couteau. Commence à se couper le haut du poignet. « Aie aie aie ». Elle pleure, crie.
« C’est à cause de toi. Tu ne comprends pas. Je veux mourir à cause de toi, pour toi. Tu comprendras quand je serais morte. »
« Aides moi!! Parles moi!!! Dis quelque chose! ».
« Je veux me faire du mal. Je veux te faire du mal. Laisses moi. Aides moi. Je ne veux plus te voir. Je me coupe. Regarde. Tu veux que je parte. Tu veux que je meure. Je me fais du mal à cause de toi ».
Je lui donne une claque dans le visage. Mais elle continue. Je reste ferme. Lui dit qu’il m’est impossible de réagir à sa colère. Impossible de savoir ce qu’il faut faire.
Ensuite, après 2 heures, elle se calme. Les blessures sont légères. Je lui ai enlevé le couteau à chaque fois qu’elle l’avait dans les mains. Elle m’a regardé comme si elle voulait me tuer.
Ses yeux son hagards. Quand je l’approche elle me lance : « dégages. Ne me parle pas. Ne me touche pas. ».
Je la laisse seule. Vais chercher son frère à l’école. Prépare le déjeuner. Elle vient dans la cuisine pour chercher son assiette et repart dans sa chambre.
L’après midi on a rendez-vous avec la psy. Elle vient mais ne m’adresse pas la parole. Quand je parle, elle met les mains sur ses oreilles.
Elle veut me dominer. Me contrôler. Me dire des choses qu’elle ne peut pas me dire. Elle est furieuse car je n’ai pas cédé. Parce que je ne l’ai pas prise dans mes bras pour la consoler.
Mais il faut passer par là.
Elle dit au médecin que je dois la laisser parler, s’exprimer. Que je parle pour elle. Mais d’un autre côté elle est incapable de faire ou dire les choses.
Il n’y a que les reproches. Des psychiatres, de ma fille, de mon mari. Je détruis tout le monde autour de moi.
Ce matin j’ai quitté la maison en la laissant seule. Je ne suis pas allé la voir. Je ne suis pas resté. Je ne pouvais pas.
Elle avait rendez-vous à 11 heures à l’hôpital du jour de Sèvres pour un entretien avec le psychiatre qu’on a vu mardi dernier.
Je ne savais pas si elle allait y aller. Je les ai appelés pour les avertir de son état. Ils m’ont rappelé une heure après pour dire qu’elle avait téléphoné pour leur dire qu’elle aurait du retard mais qu’elle était en route….
Depuis, pas de nouvelles.
J’ai également téléphoné au médecin de Poissy. Il m’a dit qu’il n’est pas magicien. Qu’elle peut venir à l’hôpital quand elle veut ou qu’il faut l’emmener aux urgences si la crise est trop forte.
C’est des beaux discours…. Mais comment emmener une fille hystérique qui a une force surhumaine dans ces moments là?
Son papa? Absent. Trop de travail. Trop de soucis. Trop préoccupé par l’état de sa fille.
Mais globalement totalement absent. Pour elle, pour mon fils, pour moi.
La séparation devrait se faire dans les prochaines semaines. Il est d’accord de prendre un appartement mais veut revenir à la maison 1 weekend sur deux…. Pendant lequel je peux aller ailleurs. C’est inacceptable. Cela ne changera rien à la vie d’aujourd’hui. Il n’est jamais là pendant la semaine, et un weekend sur deux il est à la chasse ou ailleurs. Ni moi, ni les enfants ne pourront vivre avec cette décision « partielle ».
Ma fille écrit que son père lui manque. Qu’elle a besoin de lui. Qu’elle pense qu’il travaille trop parce que les affaires iraient mal. Elle se fait tout un cinéma qui est loin de la réalité.
Elle a peur qu’on vende la maison. Ne veut pas vivre ailleurs.
J’en fait pars à mon mari. Mais en retour, je n’ai que des reproches.
Je suis fatigué. Exténué. Je sais qu’il faut une coupure nette entre moi et ma fille. Je pourrais partir. La laisser avec son père. Pour qu’il prenne le relais.
Mais il y a mon fils. Je ne peux pas l’abandonner.
Je baisse les bras. J’abandonne.